Quelle méthode pour retirer des déchets biologiques après un décès ?

Le décès d’une personne dans son logement, en particulier lorsqu’il est découvert tardivement, génère des situations à la fois sensibles sur le plan humain et critiques sur le plan sanitaire. L’un des aspects les plus techniques et les plus importants du nettoyage post-mortem concerne l’élimination des déchets biologiques, à savoir les fluides corporels, les tissus imbibés, les résidus organiques en décomposition, et parfois les objets ou matériaux contaminés. Ces déchets présentent un risque élevé d’infection et nécessitent une méthode d’intervention rigoureuse, structurée, et conforme aux réglementations sanitaires en vigueur.

Dans cet article, nous allons détailler les étapes essentielles, les équipements nécessaires, les précautions à prendre et les normes à respecter pour retirer efficacement et en toute sécurité les déchets biologiques après un décès.


1. Comprendre la nature des déchets biologiques post-mortem

Le terme « déchets biologiques » désigne tout élément potentiellement contaminé par des agents pathogènes d’origine humaine ou animale. Après un décès, surtout en cas de mort non découverte immédiatement, différents types de déchets peuvent se retrouver sur les lieux :

  • Fluides corporels : sang, urine, liquides de décomposition, etc.
  • Tissus et matériaux souillés : matelas, vêtements, draps, rideaux, tapis, qui ont absorbé des fluides.
  • Matériaux poreux contaminés : bois, plâtre, moquette, etc.
  • Déchets coupants ou piquants : seringues, lames, éclats de verre contaminés.
  • Objets personnels devenus insalubres : mobilier, livres, papiers imbibés ou altérés par les fluides.

Ces éléments sont classés dans les déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) lorsqu’ils présentent un danger pour la santé publique ou pour les personnes chargées du nettoyage.


2. Les risques sanitaires liés à ces déchets

Le contact avec des déchets biologiques non traités expose les intervenants à des risques infectieux graves :

  • Transmission d’hépatites (A, B, C) par le sang ou des liquides contaminés,
  • Contamination par le VIH,
  • Infections bactériennes : staphylocoques, E. coli, clostridium difficile,
  • Risques de mycoses ou d’infections fongiques si les lieux sont humides.

Les spores et les agents pathogènes peuvent également être présents dans l’air, sur les surfaces, ou dans les microparticules déposées sur les matériaux.


3. Étape 1 : sécurisation du site avant intervention

3.1. Accès restreint

Le premier réflexe consiste à interdire l’accès à toute personne non équipée. Un périmètre doit être établi autour de la pièce ou du logement.

3.2. Ventilation

Avant toute action, il faut aérer le lieu pendant plusieurs heures, si possible, pour réduire la concentration de particules et de vapeurs toxiques. Cela diminue également l’odeur de décomposition, souvent très forte et envahissante.


4. Étape 2 : équipement des intervenants

Aucun retrait de déchets biologiques ne doit se faire sans un équipement de protection individuelle (EPI) adapté, visant à éviter tout contact ou toute inhalation de contaminants.

4.1. Les EPI indispensables

  • Combinaison intégrale étanche et jetable (type Tyvek),
  • Gants nitrile doublés (protection renforcée),
  • Masque FFP3 (filtration des aérosols biologiques),
  • Lunettes ou visière de protection,
  • Bottes de sécurité ou surchaussures imperméables.

Chaque intervenant doit être formé au port de ces équipements et à leur retrait en zone de décontamination pour éviter la contamination croisée.


5. Étape 3 : retrait physique des déchets biologiques

Cette étape est la plus sensible, car elle implique la manipulation directe de déchets potentiellement infectieux.

5.1. Tri préalable

Il est important de séparer les déchets en plusieurs catégories :

  • Déchets liquides absorbés (textiles, matelas, bois),
  • Déchets solides contaminés (mobilier, papiers, objets personnels),
  • Déchets tranchants/piquants (seringues, verre, métal),
  • Déchets ménagers non souillés.

5.2. Enlèvement des matériaux souillés

Tout objet ou matériau imbibé de fluide biologique doit être retiré :

  • Le matelas, les draps, les vêtements souillés doivent être coupés en sections transportables, puis placés dans des sacs DASRI ou à double emballage étanche.
  • Les éléments plus volumineux (canapés, moquettes, planchers contaminés) sont découpés si nécessaire et filmés hermétiquement.
  • Le mobilier en bois ou aggloméré touché est éliminé en entier, car impossible à désinfecter correctement en profondeur.

5.3. Traitement des fluides résiduels

Les flaques de liquides biologiques sont aspirées à l’aide d’un appareil équipé d’un filtre HEPA et d’un réservoir hermétique. Elles ne doivent jamais être nettoyées à l’eau directement, pour éviter la dispersion.


6. Étape 4 : conditionnement et transport des déchets

6.1. Conditionnement conforme

Les déchets biologiques sont conditionnés dans :

  • Des sacs rouges homologués DASRI pour les déchets à risques infectieux,
  • Des fûts étanches pour les objets coupants ou contaminés,
  • Des bacs rigides étanches pour les déchets liquides ou imbibés.

Chaque conteneur doit être étiqueté avec le pictogramme « risque biologique », indiquer la date, le lieu et le nom de l’intervenant responsable.

6.2. Transport sécurisé

Les déchets biologiques ne peuvent être transportés que par des transporteurs agréés, vers des filières spécifiques d’élimination, souvent des centres d’incinération pour matières infectieuses.


7. Étape 5 : désinfection du site

Une fois les déchets enlevés, la zone reste potentiellement contaminée par des résidus invisibles. Il faut procéder à une désinfection approfondie.

7.1. Nettoyage préalable

Toutes les surfaces (sols, murs, meubles restants, poignées, prises) sont nettoyées avec des détergents professionnels pour éliminer les salissures.

7.2. Désinfection par voie humide

Application de produits désinfectants à large spectre :

  • Par pulvérisation,
  • Par brumisation (ULV),
  • Par essuyage manuel des points de contact.

Les désinfectants utilisés doivent être :

  • Fongicides, bactéricides et virucides (norme EN 14476),
  • Non corrosifs pour les surfaces à conserver,
  • Respectueux des matériaux.

7.3. Contrôle et validation

Des contrôles microbiologiques peuvent être réalisés sur les surfaces nettoyées, afin de s’assurer de l’absence de germes pathogènes.


8. Étape 6 : ventilation et retour à un usage normal

Une fois la désinfection terminée, il est impératif de ventiler longuement les lieux, souvent pendant 24 à 48 heures, avant de permettre à nouveau l’accès sans EPI.

Le lieu peut ensuite être :

  • Réhabilité,
  • Réaménagé,
  • Mis en peinture ou en rénovation selon les besoins.

9. Réglementation à respecter

9.1. Code de la santé publique

Le traitement des déchets biologiques post-mortem est soumis au Code de la santé publique, notamment les articles R.1335-1 à R.1335-8 relatifs aux DASRI.

9.2. Responsabilité de l’intervenant

Le professionnel ou l’équipe chargée du nettoyage doit :

  • Garantir la traçabilité des déchets,
  • Produire un bordereau de suivi,
  • Assurer une gestion conforme au décret n°97-1048 du 6 novembre 1997.

10. Pourquoi une méthode rigoureuse est indispensable

Le retrait des déchets biologiques après un décès ne peut être improvisé, car :

  • Les risques pour la santé sont élevés, notamment en cas de contact avec du sang ou des liquides corporels en décomposition.
  • La contamination peut persister sur les surfaces et dans les matériaux, même si les traces visibles ont disparu.
  • Des familles ou proches endeuillés peuvent être exposés sans le savoir, si le nettoyage est incomplet ou mal réalisé.
  • Les obligations légales sont strictes, et toute négligence engage la responsabilité civile voire pénale des intervenants.

Conclusion

Retirer des déchets biologiques après un décès est une opération complexe, qui nécessite bien plus qu’un simple nettoyage : c’est une procédure encadrée, visant à garantir la sécurité des intervenants, la salubrité des lieux, et la conformité légale de l’intervention. Chaque étape — de l’évaluation du site à la gestion des déchets, en passant par la désinfection — doit être exécutée avec une précision absolue. Sans cette rigueur, le risque sanitaire est majeur, tant pour les professionnels que pour les occupants futurs du logement.

En résumé, les éléments clés de la méthode sont :

  1. Sécurisation du site et ventilation initiale,
  2. Équipement complet des intervenants,
  3. Retrait méthodique et tri des déchets contaminés,
  4. Conditionnement et élimination via des circuits agréés,
  5. Désinfection complète de la zone,
  6. Contrôle post-intervention et aération finale.

Seule une méthode professionnelle, respectueuse des normes sanitaires, permet de restaurer un environnement sain, et de protéger les personnes et les lieux de tout risque de contamination durable.

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